top of page

Le judaïsme rhénan : une histoire singulière 


Entre Bâle et Mayence, le Rhin constitue un lien plutôt qu’une frontière. Les communautés juives des deux rives du fleuve ont toujours été proches. En témoignent une histoire singulière et un patrimoine très riche et dense.  
Au début du Moyen Âge, les Juifs arrivent à Mayence, ville très importante du commerce entre l’Europe et l’Asie, qui conserve le souvenir des Kalonymos, originaires de Lucques en Italie, une famille de grands érudits, auteurs des plus anciens textes rabbiniques d’Europe et celui du célèbre rabbin Guershom Meor Hagula. La communauté de Worms, fondée peu après,  a conservé un extraordinaire cimetière médiéval et la synagogue (reconstituée) où a étudié le talmudiste Rachi de Troyes.  Des Juifs s'établissent progressivement dans toutes les villes proches du Rhin: à Spire vers 1080 (bain rituel, synagogue médiévale, musée) puis, Strasbourg vers 1150  (bain rituel, musées) et Francfort (cimetière, synagogue, musée), suivies de Bâle, Fribourg, puis de beaucoup d’autres villes. Malgré les sanglantes persécutions, liées principalement aux Croisades (1095, 1146) et à la révolte d’Armleder (1338), les Juifs rhénans nous ont laissé de nombreux témoignages de leur force de vivre et de leur créativité: traces matérielles (synagogues, cimetières, bains rituels) et immatérielles (livres, traités rabbiniques, langue yiddish occidental)
L’an 1349 marque la fin brutale de cette période d’expansion. Les Juifs, accusés d’avoir engendré une épidémie de peste, sont massacrés ou expulsés des villes. Souvent rappelés, puis chassés de nouveau, une majorité se réfugie, à partir de 1450, dans les campagnes. Ils y vivront quasi exclusivement, leur situation s’améliorant cependant après 1648.  Le judaïsme rural à cette époque, matériellement pauvre mais engagé, a laissé peu de traces matérielles, à l’exception de superbes pierres tombales dans quelques cimetières. Tout un folklore caractéristique s’est constitué peu à  peu, qui donne au judaïsme rhénan un cachet très particulier. Il a marqué dans beaucoup de domaines la culture populaire de voisins non juifs (vocabulaire, dictons, cuisine etc).
Les Juifs acquièrent, dès 1791 en Alsace, la pleine citoyenneté française et,  sur la rive allemande, seulement après 1860. Ainsi, ils peuvent progressivement accéder à toutes les professions. 
Au 19ème siècle, la démographie augmente fortement. Sur le territoire alsacien et badois, plusieurs centaines de synagogues sont érigées, dont certaines très monumentales dans les grandes villes. L’antijudaïsme devient progressivement un antisémitisme politique, moins violent, mais réel . La guerre franco-prussienne de 1870 a séparé les Juifs français et allemands. Certaines familles ont émigré, d’autres se sont assimilés, et d’autres ont rejoint les villes et Paris.
Au 20ème siècle,  les deux conflits mondiaux, puis de la reconstruction : Les nazis ont détruit les synagogues allemandes durant la Nuit de Cristal en novembre 1938. En octobre 1940, les Juifs allemands furent déportés vers le camp de Gurs au sud de la France. Les Juifs alsaciens sont évacués en zone libre au début de la guerre, tandis que l’Alsace est annexée au Reich.
Une majorité des survivants reviennent en Alsace en 1945 et recréent une vie juive communautaire sous l’impulsion de leaders et d'intellectuels comme André Neher. Dans toute la région, seules trois synagogues sont intactes : Benfeld, Struth, Wolfisheim. Les autres sont restaurées, en particulier les grandes synagogues urbaines encore debout (Francfort, Colmar, Mulhouse) et d’autres, comme à Strasbourg, sont construites.
Après 1960, l’arrivée de nombreux Juifs venant du Maghreb en France, et plus tard, de l’Union soviétique en Allemagne, dynamise les communautés.
Depuis 1990, un véritable travail de mémoire et de valorisation du patrimoine subsistant est réalisé. Aujourd’hui, des dizaines de musées présentent des collections juives. Nombre de synagogues, cimetières et bains rituels accueillent des visiteurs . Des lieux de mémoire nous rappellent le passé, comme les villes ShUM, Mayence, Worms et Spire,  inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco, le Blaues Haus à Breisach, le musée juif de Suisse à  Bâle ou le Musée Judéo Alsacien à Bouxwiller. Tous nous offrent un message d’espoir.

bottom of page